Streaming de compétitions sportives
Code du sport
La loi 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l’accès aux œuvres culturelles à l’ère numérique a créé une section dédiée dans le code du Sport pour la lutte contre la retransmission illicite des manifestations et compétitions sportives. C’est ainsi dans l’article L333-10 qu’a été instituée la possibilité pour les ayant-droits des retransmissions sportives de saisir le président du tribunal judiciaire afin d’obtenir, via une procédure accélérée, le blocage des sites faisant une retransmission non autorisée.
Article L333-10
I.-Lorsqu’ont été constatées des atteintes graves et répétées au droit d’exploitation audiovisuelle prévu à l’article L. 333-1 du présent code, au droit voisin d’une entreprise de communication audiovisuelle prévu à l’article L. 216-1 du code de la propriété intellectuelle, dès lors que le programme concerné est constitué d’une manifestation ou d’une compétition sportive, ou à un droit acquis à titre exclusif par contrat ou accord d’exploitation audiovisuelle d’une compétition ou manifestation sportive, occasionnées par le contenu d’un service de communication au public en ligne dont l’objectif principal ou l’un des objectifs principaux est la diffusion sans autorisation de compétitions ou manifestations sportives, et afin de prévenir ou de remédier à une nouvelle atteinte grave et irrémédiable à ces mêmes droits, le titulaire de ce droit peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé, aux fins d’obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier.
Dans un premier temps, les ayant-droits doivent donc obtenir un jugement du tribunal judiciaire sur la base de cet article de loi afin d’obtenir le blocage par les FAI, mais une fois cette décision faite, ils peuvent ensuite envoyer directement de nouveaux sites couvrant cette même compétition sportive et non identifié dans le premier arrêt à l’ARCOM, qui se chargera de les faire bloquer. On assiste donc à une procédure mi-judiciaire et mi-administrative définie toujours dans l’article L333-10 :
III.-Pour la mise en œuvre des mesures ordonnées sur le fondement du II portant sur un service de communication au public en ligne non encore identifié à la date de l’ordonnance, et pendant toute la durée de ces mesures restant à courir, le titulaire de droits concerné communique à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique les données d’identification du service en cause, selon les modalités définies par l’autorité.
Lorsque les agents habilités et assermentés de l’autorité mentionnés à l’article L. 331-14 du code de la propriété intellectuelle constatent que le service mentionné au premier alinéa du présent III diffuse illicitement la compétition ou la manifestation sportive ou a pour objectif principal ou parmi ses objectifs principaux une telle diffusion, l’autorité notifie les données d’identification de ce service aux personnes mentionnées par l’ordonnance prévue au II afin qu’elles prennent les mesures ordonnées à l’égard de ce service pendant toute la durée de ces mesures restant à courir
Ces articles de lois ont été utilisés à de nombreuses occasions comme par exemple BeIN Sport pendant la Coupe d’Afrique des Nations, Canal+ pour les sites diffusant de la formule 1 ou encore le Comité Olympique pendant les JO de Paris.
De manière assez inquiétante, en octobre 2023, CANAL+ a assigné en justice Google, Cisco et Cloudflare au nom de l’article L333-10 car ces 3 sociétés ont en commun de proposer un service de DNS ouvert au public et n’étant pas soumis au blocage judiciaire qui concerne habituellement uniquement les fournisseurs d’accès à Internet. L’entreprise Cisco OpenDNS a décidé de quitter la France suite à cette décision.
C’est une première et l’on voit bien les potentielles dérives que la formulation très vague de la loi peut permettre. En effet, celle-ci indique que les détenteurs des droits sur les compétitions peuvent demander du juge « toutes mesures proportionnées » destinées à prévenir ou faire cesser une atteinte à leurs intérêts « à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».
Réalité de ce blocage
En se basant sur les décisions judiciaires publiées par Marc Rees dans Next INpact puis dans L’informé, nous avons identifié 543 domaines qui devraient être bloqués après une décision de justice. Afin de vérifier la réalité de ces blocages, nous avons procédé à des tests techniques en septembre et octobre en utilisant la plateforme OONI (voir la partie analyse technique pour plus d’informations).
Bloqués | |
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Free | 201 - 37.02% |
Orange | 222 - 40.88% |
SFR | 147 - 27.07% |
Bouygues | 149 - 27.44% |
Bloqués par tous les FAI | 126 - 23.02% |
Bloqués par aucun FAI | 229 - 42.17% |
Ces tests montrent bien qu’il y a une grande différence d’implémentation entre les différents FAI. Sur les 543 domaines que nous avons identifiés, seulement 314 sont bloqués par au moins un FAI. Sur ces 314, seuls 126 sont bloqués par tous les FAI soit 40%.
Références
- L333-10 du Code du sport
- Piratage sportif : Canal+ obtient le blocage d’une centaine de sites par Google, Cisco et Cloudflare
Dernière mise à jour : novembre 2024