Blocage de sites pornographiques

Des procès d’associations contre des FAI

Le fait qu’un site à caractère pornographique ne puisse être accessible aux mineurs vient de l’article L227-24 du Code pénal, datant de 1992. Depuis la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, le texte a été modifié, et dispose désormais explicitement qu’une simple déclaration de majorité à l’entrée du site ne suffit pas. Les sites qui ne mettent pas en place d’autres protections pour empêcher les mineurs de consulter de la pornographie sont en infraction et encourent jusqu’à 3 ans de prison et 75 000 euros d’amende.

Depuis des années, les associations e-Enfance et La Voix De l’Enfant essaient d’utiliser cette base légale afin de demander le blocage de sites pornographiques aux FAIs car ceux-ci n’empêchent pas efficacement l’accès des mineurs à leur contenu. Le 17 octobre 2024, la cour d’appel de Paris a rendu une décision demandant aux 6 FAI impliqués (Orange, Free, Bouygues Télécom, SFR, Outremer Télécom et Colt Technologies Services) de bloquer les sites Mrsexe, Iciporno, Tukif et Xhamster. La cour indique dans son arrêt que “l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale qui peut justifier qu’il soit porté atteinte à d’autres droits comme la liberté d’expression ou de communication”. Elle se base pour cela à la fois sur l’article 227-4 du code pénal mais également sur l’article 6-I.8 de la LCEN. Ces 4 sites ne se situant pas dans l’Union Européenne, les juges ont considéré qu’il n’y avait aucune raison de ne pas statuer sur leur blocage. Pour 5 autres sites situés dans l’Union Européenne (Pornhub, Youporn, Redtube, Xvideos et Xnxx), la cour d’appel s’est prononcé pour attendre la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne après transmission par le Conseil d’Etat en mars 2024. Le juge a donné quinze jours aux FAI pour mettre en place ce blocage. Comme rapporté par l’Informé, le site Tukif a réclamé en référé la suspension de l’exécution du blocage pour avoir le temps suffisant pour implémenter une vérification de l’âge des visiteurs.

Réalité de ces blocages

Nous avons réalisé des tests via la plateforme OONI le 18 novembre 2024 qui confirment le blocage de ces 4 sites par la quasi totalité des FAI :

SiteDomaineFreeOrangeSFRBouygues
xHamsterxhamster.com🚫
Tukiftukif.com🚫🚫🚫🚫
Mr Sexewww.mrsexe.com🚫🚫🚫🚫
Ici pornowww.iciporno.com🚫🚫🚫🚫

L’arrivée d’une censure administrative

La loi SREN du 21 mai 2024 est venue ajouter une composante administrative à cette censure. Elle a ainsi créé l’article 10-1 de la LCEN qui permet ainsi à l’ARCOM d’imposer des sanctions financières aux sites pornographiques qui n’empêchent pas l’accès aux mineurs selon le référentiel établi par l’ARCOM, mais également demander aux FAI le blocage de ces sites pornographiques. Ce blocage est d’une durée maximale de 2 ans, avec un contrôle au moins une fois par an.

Au cours des deux dernières années, le débat s’est donc porté sur ce référentiel et sur les moyens techniques permettant de vérifier qu’une personne est majeure tout en respectant son anonymat. L’ARCOM a publié ce référentiel le 9 octobre 2024 après un avis favorable de la CNIL. Il a été publié au journal officiel le 22 octobre. Celui-ci impose aux sites pornographiques de mettre en place une vérification d’âge par double anonymat se basant sur un tiers de confiance vérifiant l’âge de la personne (voir les travaux de la CNIL à ce sujet). Le double anonymat garantit l’anonymat auprès du tiers de confiance (qui ne doit pas connaître la finalité de la vérification d’âge) et auprès du site pornographique (qui ne doit pas accéder à des données personnelles ou à l’âge de la personne).

Ce référentiel fixe également le calendrier : il y aura tout d’abord une période transitoire de trois mois (jusqu’au 9 janvier 2025 donc) à partir de laquelle les sites devront mettre en place une vérification par carte bancaire (par exemple avec un paiement à 0€ par un tiers de confiance). Trois mois plus tard (à partir du 9 avril 2025), ils devront mettre en place une solution de leur choix répondant totalement au référentiel avec un tiers de confiance et double anonymat. L’informé rapporte que la fédération bancaire s’oppose à cette solution, notamment parce qu’avoir une carte bancaire ne garantit pas d’être majeur, mais la fédération s’inquiète également de la capacité des tiers de confiance à protéger les données.

Références

Dernière mise à jour : novembre 2024