Censure de TikTok en Kanaky Nouvelle-Calédonie
Blocage de TikTok dans un contexte d’émeutes
En mai 2024, dans le cadre d’une loi remettant en cause l’accord de Nouméa de 1998 et notamment le gel du corps électoral autorisé à voter aux élections provinciales de Nouvelle-Calédonie, des violences éclatent à Nouméa. Pendant plusieurs jours, des affrontements opposent forces de l’ordre et militants indépendantistes, avec des incendies et des pillages. Un couvre-feu est instauré par le gouvernement le 14 mai, et le 15 mai un état d’urgence est décrété sur tout le territoire de Nouvelle-Calédonie, ainsi que le blocage de la plateforme TikTok.
Ce blocage s’est fait par blocage DNS par l’opérateur télécom étatique l’Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie dès le 15 mai, comme confirmé par des témoignages sur place. Il a été levé deux semaines plus tard, le 29 mai.
Ces affrontements ont fait plus de huit morts entre le 14 mai et le 9 juin. Ce projet de loi a été suspendu suite à la dissolution de l’Assemblée nationale.
Une justification légale problématique
Cette décision de blocage n’a pas été formalisée sous la forme d’un quelconque décret par les autorités. Le 17 mai, La Quadrature du Net déposait un référé-liberté demandant au Conseil d’Etat la suspension de ce blocage sur le principe qu’il s’agissait de l’application de la loi de 1955 relative à l’état d’urgence permettant de bloquer des services en ligne provoquant des actes de terrorisme. Face au Conseil d’Etat, le gouvernement a du justifier la base légale pour cette décision, et a invoqué non pas l’état d’urgence, mais la théorie des circonstances exceptionnelles, une théorie jurisprudentielle permettant d’accepter certaines décisions administratives illégales dans des cas de crises exceptionnelles (une notion principalement utilisée pendant les deux guerres mondiales).
Forcé de justifier ces mesures exceptionnelles, le gouvernement a fait état de publications sur TikTok à propos des émeutes, mais qui n’étaient en rien des appels à la violence. Mais malgré ce manque total de justifications, le Conseil d’État a décidé de ne pas sanctionner le gouvernement sous prétexte que la justification de l’urgence d’agir n’était pas prouvée, le gouvernement indiquant que la censure serait bientôt levée (voir le bon résumé de La Quadrature à ce sujet).
Fin mai, La Lettre révélait également que le gouvernement avait passé un accord avec TikTok pour que l’entreprise ne conteste pas cette décision. En Juin, La Ligue des Droits de l’Homme ainsi que plusieurs citoyens on décidé de faire une recours auprès du Conseil d’État sur le fond pour contester cette décision de blocage même si celui-ci n’est plus actif.
Une première censure de réseaux sociaux dans un contexte colonial
C’est une première en France et en Europe, la France a bloqué un réseau social majeur sur une partie du territoire national, sur une base légale plus que douteuse et sans jamais avoir justifié de sa nécessité ou du lien entre ce réseau social et les émeutes. C’est un précédent qui inquiète tant par l’important du blocage que par l’arbitraire de sa décision.
Références
Dernière mise à jour: novembre 2024